Le Bulletin des APM

Volume XVI, numéro 1, printemps 2025

La cueillette des documents, que ce soit aux APM ou à la résidence de la donatrice ou du donateur, est toujours un moment émouvant. Un membre de la famille arrive avec sa boite ou ses enveloppes, et de plus en plus avec une clef USB, puis, après avoir signé un bordereau, confie à notre archiviste des cahiers, des liasses de lettres, parfois une autobiographie. L'archiviste fera un tri, car malheureusement certaines pièces ne pourront être gardées – des doublons, des livres, des photos dont les sujets sont non identifiées – et par la suite la personne qui fait le don et l'archiviste signent un contrat qui stipule certaines conditions à respecter. Il y a parfois des restrictions à la consultation, certains diaristes préfèrent utiliser un pseudonyme. De leur côté, les Archives Passe-Mémoire s'engagent à traiter et conserver les documents et à les mettre à la disposition des chercheurs.es. Pour faire un don, il suffit de nous contacter par courriel apm.archives@videotron.ca et de prendre rendez-vous.

Ce Bulletin de printemps se penche sur les activités culturelles mentionnées, critiquées, analysées dans les écrits personnels. On y trouve aussi les comptes rendus des fonds Morisset Des Rivières, André Jacob ainsi que du récit familial de la famille Giard Vachon.

Parmi les fonds récemment accueillis aux APM, mentionnons celui de la famille Tangue, de la famille Baril, de Rolande et Louise Matte, de Denise Fontaine, de Joséphine Lefebvre, d'Yves Archambault, de Hilda et Philip Heilig, et des témoignages de résidents de CHSLD dans le cadre du projet « Covid in the House of Old », une exposition itinérante conçue par Megan Davies et co-marrainée par les Archives Passe-Mémoire.

Nos archivistes ont travaillé très fort : Rachel Marion a terminé le traitement du fonds de la famille Moussali (APM83). France Villeneuve a traité les fonds suivants : Famille Parenteau (81), Danielle Cuisinier-Dionne (APM82), Famille Delorme (APM85), Morisset des Rivières (APM87), Claude Duplessis (APM90). 

La vie culturelle dans les archives personnelles

Les écrits sur soi sont aussi des écrits sur ce qui ce qui alimente, intellectuellement, émotionnellement, ce soi. La lecture vient au premier rang des activités culturelles : elle intervient à tout âge, dans toutes les classes sociales, partout. On s'attardera ici à l'importance du cinéma, du théâtre et de la musique dans les archives. [Le Bulletin du printemps 2016 s’est déjà penché sur la musique et celui d’automne 2016 sur la lecture].

Le cinéma est un art populaire : on va au cinéma pour se divertir, pour s'instruire aussi, ou pour rencontrer son petit ami. Julia Couture-Boucher (APM11) raconte qu'en « 1925 il n'y avait pas de télévision et bien peu de radio, de sorte que les jeunes allaient beaucoup au cinéma. Je suis devenue une adepte de ce passe-temps. C'est ainsi qu'un soir quelqu'un s'est assis à mes côtés au théâtre et dans le feu d'une scène qui se déroulait sur l'écran, nous avons échangé quelques remarques innocentes et à la sortie, ce monsieur s'est offert de me raccompagner jusqu'au boulevard Pie IX où je demeurais ». Il ne sera pas l'heureux élu mais c'est lui qui, plus tard, lui présentera celui qu'elle épousera.

Pendant la Deuxième Guerre mondiale, dans leurs lettres tous les militaires mentionnent les films presque quotidiens qui leur sont projetés, car sur les bases d’entraînement les soirées sont longues.

À partir des années 1950, la télévision devient rapidement le médium culturel le plus accessible. Pourtant, peu de diaristes mentionnent leurs émissions préférées.

Les « gens ordinaires », ceux pour qui les APM ont d’abord été créées, vont peu au théâtre ou au musée, que ce soit parce qu’ils n’en ont ni les moyens ni l’habitude ou encore parce qu’ils vivent souvent loin des grands centres. Lorsqu’on peut voyager, c’est à l’étranger qu’on fréquente les musées. C’est ainsi qu’en 1881, monsieur Godin (CA12) découvre au Louvre des « statues, tant d’hommes que de femmes, qui sont complètement nus ». L'enseignante Ida Gauthier (APM43) va trois fois à Paris dans les années 1920. Elle note ses visites culturelles dans de petits carnets : 1925, Hérodiade à l'Opéra, un concert à la Place des Vosges, une exposition de Le Nain au Petit Palais, Poil de carotte à la Comédie française.

L’opéra, qu’on écoute surtout sur disque avant les années 1970, est apprécié par toutes les classes sociales. À Québec, autour de 1919, Juliette Charland (APM47) a la chance de se faire offrir un billet pour l’opéra Rigoletto présenté à l’Auditorium (le futur Capitol). Des trois opéras qu’elle a vus, Rigoletto est celui qui lui a laissé un souvenir inoubliable, tel qu’elle le raconte à son neveu qui a enregistré son témoignage plusieurs années plus tard : « Mais écoute un peu, on n’était pas dans l’bas, parce que tout en bas c’t’ait toute en belles robes longues, pis les manteaux… les grands manteaux en hermine pis en vison. On était au premier balcon nous autres ». Ces grandes sorties à l’opéra restent toutefois exceptionnelles et Juliette consomme surtout des films à l’Empire et au cinéma de Paris : « Y’avait pas beaucoup d’films en français dans c’temps-là, c’tait plutôt des films en américain. C’tait en anglais mais on comprenait. On comprenait parc’qu’on voyait c’qui s’passait ».

La musique occupe une place importante dans la vie des gens de tous les milieux, chansons populaires entonnées dans les soirées ou musique captée à la radio. Il fut un temps où l’on copiait les paroles de chansons; on les retrouve aujourd’hui dans les fonds des hommes et des femmes qui les ont aimées. Combien de journaux sont écrits au son de musique classique. Florilège (APM45) avoue son émotion en écoutant soit du jazz soit Haendel. Pour se souvenir, Serge Lafrance (APM16) garde les programmes de concerts et de pièces de théâtre qu'il a aimés. Les goûts sont éclectiques et quand Thomas Salomon énumère ses sorties culturelles, il met sur le même pied une soirée à l'opéra pour voir La Traviata, l'achat d'un disque de Juliette Gréco et une soirée avec les copains dans un bar de danseuses nues. (APM34)

Il faut mentionner les fonds de créateurs de culture : Pagesy (APM14) compose de la musique et des poèmes; le notaire Lucien Pépin (APM54) et le décorateur Serge Lafrance (APM16) sont aussi poètes à leurs heures et peintres du dimanche; de la Roquebrune (APM58) est secrétaire de l'association des poètes de la Montérégie et correspond parfois en vers; Pierre-André Morin (APM64), membre du même Cercle des poètes, correspond aussi en vers et chante comme ténor au sein du Théâtre lyrique de Boucherville. Plusieurs autres insèrent des esquisses, des pastels entre les pages de leur journal.

Qu'on fasse usage ou qu'on produise des activités culturelles, celles-ci font partie intégrante de la vie et des moments gravés dans un journal ou dans une lettre.

image de journaux

 COMPTES-RENDUS

de fonds déposés aux APM

FONDS MORISSET DES RIVIÈRES   APM 87

Bien garni, le fonds de la famille Morisset des Rivières regroupe des écrits de divers types. Bien que la majorité des textes provienne des archives personnelles de Madeleine Morisset des Rivières (1922-2023), le fonds contient aussi des documents émanant de plusieurs membres de cette grande famille de Sainte-Hénédine (Chaudière-Appalaches) et de Québec.

Madeleine Morisset des Rivières a été infirmière, écrivaine, conférencière et traductrice. Le fonds témoigne d’une femme engagée, chez qui l’écriture occupe une place déterminante, puisqu’elle accompagne toutes les étapes de sa vie. Ses expériences personnelles et son engagement social l’amènent à écrire et à faire des recherches sur des thèmes qui lui tiennent à cœur. Elle laissera de nombreuses traces, entre autres manuscrites, dans une très belle calligraphie à l’encre verte. Outre ses biographies publiées, ses articles pour des magazines, les textes de ses conférences, ses contes pour enfants, ses nouvelles, ses radios-théâtres et ses dramatiques pour la télévision, elle écrit également des journaux personnels, des journaux de voyage, des hommages et des lettres à ses proches. Elle finira par écrire ses mémoires en deux tomes, intitulés Le ressouvenir.

Dans cet ouvrage, Madeleine Morisset des Rivières réfléchit à la transmission en définissant ce qu’elle entend par « ressouvenir » : « Cet enchaînement de petits faits et gestes — quelques-uns nébuleux d’autres, plus précis — qui font déjà partie du passé, et que l’on souhaite léguer à ceux qui nous suivent : nos enfants, nos petits-enfants, nos arrière-petits-enfants, la famille élargie. » (P. 1)

Morisset des Rivières a écrit des biographies; elle connaît bien la rigueur et la recherche documentaire nécessaire à cet exercice. Toutefois, elle se permet davantage de liberté dans l’écriture de ses mémoires, ce qui lui permet de mettre sur papier les histoires qu’on lui a transmises oralement. L’histoire de ses grands-parents, dont certains épisodes évoquent les légendes d'autrefois, comme celui de « La planchette » (page 15), qui relate un mythe familial autour d’une planche conservée dans le grenier de la maison de vacances de Sainte-Hénédine où l’on menait des séances de spiritisme, ou encore celui de « La jambe de liège » (page 19) entreposée dans un grand coffre. L'histoire raconte qu'elle appartenait au grand-père Alfred-Emmanuel Morisset, qui avait perdu une jambe dans un accident ferroviaire.

Madeleine avait deux mois lors du décès de sa mère, Fabiola Vézina (1879- 1922). Elle écrit sur celle-ci et sur son histoire d'amour avec son père, Alfred Morisset (1874-1952). (Aura-t-elle relu la correspondance entre ces parents avant d'écrire cette histoire?) Elle raconte l'épisode, plus triste, de la maladie de cette mère qu’elle n’a pas connue.

Madeleine se penche sur ses souvenirs d’enfance à Québec et ses étés à la maison familiale de Sainte-Hénédine. Son récit montre que l’absence de sa mère était compensée par un milieu au tissu social serré. Chaque année, sa tante arrivait à la maison avec sa couturière afin de faire du neuf avec du vieux : « Les plus âgées de mes sœurs défaisaient les coutures des vêtements à la lame de rasoir (il fallait apprendre à ne rien couper d’autre que le fil), puis elles lavaient les tissus à l’eau froide, les pressaient avec soin, et dans ses pans de tissus comme des neufs, la couturière créait des manteaux, des robes, des pantalons… Je me souviens que nous avions droit de choisir notre modèle dans le catalogue d’Eaton, que tante Nativa recevait de Montréal. » (P. 49)

Des chapitres sont consacrés à son père, d’autres à ses frères et sœurs, à ses tantes et oncles, à ses neveux et nièces, à ses époux, à ses enfants et petits-enfants... Madeleine ne néglige personne : elle consacre de nombreuses pages à ses amis d’enfance et d’adolescence et à de nombreuses amitiés qui auront défié le temps.

Le récit a la particularité de s’arrêter sur les gens, les lieux (la maison de Sainte-Hénédine, celle de l'avenue des Érables à Québec…) et les événements marquants (la guerre, les grandes vacances…), relatant des tranches de vie, ce qui permet un va-et-vient dans le temps plutôt qu’offrir un récit chronologique. Chaque personne, chaque lieu et chaque événement sont prétextes à l'évocation de précieux souvenirs. Le tout est agrémenté de quelques dessins de ses petits-enfants et de photographies.

Madeleine Morisset des Rivières termine son récit élégamment avec une citation de Louis Aragon : « Un beau soir l’avenir s’appelle le passé. C’est alors qu’on se tourne et qu’on y voit sa jeunesse. »

France Villeneuve

FONDS ANDRÉ JACOB APM79

Sur un cahier d'exercices sans prétention, le 7 mars 1959 le collégien André Jacob entreprend la rédaction de son journal. Pensionnaire en versification au séminaire Saint-Joseph de Trois-Rivières, il a 17 ans. Il aborde avec soin ce qu'il intitule son « Journal et souvenir » : en haut à gauche, il écrit « J. M. J. aidez-moi », invoquant Jésus, Marie et Joseph. L'écriture est soignée, la ponctuation bien placée, chaque entrée est datée et chaque page est numérotée en chiffre romain, de I à XLVIII. Assidument, jusqu'en 1965, il noircira 13 cahiers. On regardera ici les cinq premiers qui vont de 1959 à 1961. Comme tous les journaux d'adolescent, celui-ci fait part d'enthousiasmes, de doutes, de résolutions, de rêves et de frustrations.

Dans une institution catholique, la religion est omniprésente. Jacob note les fêtes religieuses et les premiers vendredis du mois, et confie le nombre de sacres dont il s'accuse en confession. Le jeune homme ne passe pas tout son temps à la chapelle : c'est un sportif, il joue au basketball et commente les parties de hockey. S'il semble tout à fait adapté à la vie de pensionnaire, - le prix à payer pour qui n'habite pas la ville et veut poursuivre des études, - il en subit aussi les sacrifices. Il aimerait beaucoup aller aux sucres, mais : « G. voulait bien m'emmener, mais son cousin n'avait pas de place pour moi, ils étaient déjà 8 dans le char. Je voudrais bien pouvoir aller chez nous, mais ils ne peuvent venir me chercher et l'autobus est trop tard. J'ai la permission de 1 à 4 heures... Voilà l'inconvénient d'être pensionnaire, pas de sortie quand on veut, ni aller chez-nous quand on veut, et toutes les misères du monde à obtenir une permission ». L'étudiant est un type sérieux, il ajoute « cependant, personnellement, je crois que ce système de règlement a quelque chose de formateur ».

Vient l'été et le rythme change du tout au tout. Chez ses parents, il participe à divers travaux et, une dizaine de jours après son arrivée à la campagne, il écrit : « J'ai des ampoules dans les mains, tellement le marteau fait de différence avec la plume. » Il admet aussi négliger ses pratiques spirituelles : « j'ai plus de misère en vacances. Je ne dis plus mon chapelet tous les jours ».

À la fin du premier cahier, Jacob énumère et commente les livres qu'il a lus. À part les lectures pieuses, on note René Bazin, Félix Leclerc, Germaine Guèvremont, Alain Fournier, Saint-Exupéry, Victor Hugo. Passionné de musique, sur les dernières pages il énumère ses disques préférés, 78 et 33 tours.

André Jacob étudie en rhétorique lorsqu'il reprend son journal en 1961. La vie spirituelle occupe de plus en plus de place dans ses réflexions, ce qui n'écarte pas des amitiés amoureuses, quoiqu'il se sente des plus en plus attiré par le missionnariat. En mai 1961, sa décision est prise : « Dernier jour dans le monde », écrit-il, et il entre au noviciat chez les Oblats de Marie Immaculée à l'âge de 18 ans. À partir de cette date, ses cahiers évoquent son cheminement spirituel, ses méditations, ses prières, et aussi ses hésitations et ses interrogations, mais il s'étend fort peu sur sa vie quotidienne et son emploi du temps.

L'homme mûr est la résultante des élans, des résolutions, des contradictions de sa jeunesse. Dans ces cahiers rédigés entre 17 et 21 ans, on remonte à la source de ses engagements, à une époque où son avenir baignait encore dans le flou. André Jacob quittera sa communauté, poursuivra ses études en philosophie et travail social, se mariera et fera carrière de professeur de travail social à l'Université Laval puis à l'UQAM.

L'ancien oblat est devenu un ardent défenseur des droits de la personne, un pacifiste engagé, un militant contre le racisme et toute discriminations. Il s'est mérité, entre autres, le Prix « droits et libertés » de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse du Québec et un Prix d’excellence en matière de relations interethniques de Patrimoine Canada.

André Jacob aussi un artiste. On peut visiter son blogue et voir ses œuvres visuelles ainsi que la liste de ses écrits sur son site https://andrejacobgalerie.com/

CITATION

Au séminaire de Trois-Rivières, en versification, une réunion de la JEC fait un sondage sur les lectures des étudiants. « Ce qui se lit le plus est Le Nouvelliste, La Parie, Petit Journal, Vie étudiante, Confidences et en plus plusieurs romans d'aventure et d'amour. Dans toutes ces lectures, sur 13 gars, 70,9% lisent les sports; amour 47,9%; voyages 40%; aventures policières 55,6%; potins des vedettes 46,3%; politique, 57,3%; littérature et arts 38,9%; éditoriaux 46,1%; aventures diverses 65,5%; actualités 75,4% ». 13 mars 1959.

journaux Meridien

seperateur

DE LA COLLECTION AUTOBIOGRAPHIQUE

Charbon, chapelet, école... et tarte aux pommes. Les Vachon-Giard. Histoire d'une famille nombreuse de la classe moyenne3 à Montréal, 1938-2012. Projet d'écriture familiale : six frères et trois sœurs se racontent. 3 volumes. CA41

Neuf enfants, nés entre 1940 et 1959, entreprennent de rendre « un hommage posthume à [leurs] parents ». « Des parents d'exception », affirment-ils. Animés par le désir de ne pas laisser tomber dans l'oubli leur famille d'origine, en 2015 toute la fratrie amorce un travail qui durera plus de deux ans. Il en résulte une extraordinaire saga familiale qui contribue à la représentation de toute une époque.

Le tout commence par la rencontre des familles Giard et Vachon, les fréquentations de Gérard et Alice. leur mariage et leur voyage de noce. Le deuxième volume couvre la période de 1959 à 1972 à Rosemont et Montréal-Nord et le troisième de 1972 à 2012, date du décès d'Alice Giard, revient à Rosemont et, pour les enfants, s’étend sur plusieurs continents.

Les récits, à tour de rôle, des mêmes événements font l'originalité de cette histoire. Ainsi Jean, Bernard, Paul, Francine, Claude, Jocelyne, Michel, Johanne et André font part de leurs joies et de leurs déboires et évoquent toute la vie de quartier à Rosemont, puis à Montréal-Nord : l'importance des jeux dans la ruelle, les premières journées à l'écoles, les voyages en famille, les camps d'été pour les garçons. Plus tard, ils se rappellent leurs professeurs, leur départ de la maison familiale, leurs emplois, leur profession, leurs amies et amis et leur propre vie familiale.

Dans ce qui constitue un vaste tableau de la vie populaire à Montréal, on constate l'importance des dévotions – surtout pour les enfants de chœur qui vont gagner quelques sous à l'église – et des loisirs : la lecture et le cinéma, l'avènement de la télévision, les premières expériences du théâtre, la Roulotte de Paul Buissonneau et l'Osstidcho au Quat' Sous.

Frères et sœurs offrent des perspectives multiples sur les grands événements qui marquent ces sept décennies. Ainsi la Crise d'Octobre est vécue très différemment par Jean alors en 6e année, Bernard enseignant à l'UQAM, et Paul, 26 ans, directeur-adjoint d'une école secondaire.

Le tout est abondamment illustré, non seulement de photos de famille mais aussi de reproductions de lettres et de documents d'époque. On s'émeut devant le petit carnet tenu par Alice de 1940 à 1943, qui révèle le budget du jeune ménage avec trois enfants : Gérard gagne 22$ par semaine plus une demie tonne de charbon par mois. Le loyer s'élève à 18$ par mois. Les achats comprennent la nourriture, les produits Familex, les emprunts de la Victoire, les frais d'accouchement (avec l'équivalent en dollars 2015).

Un tel ouvrage a dû commander un énorme travail de coordination et aussi un effort de contextualisation à chaque époque. Chaque tome est précédé d'une préface. Le premier volume retrace la généalogie de la famille Vachon et esquisse une courte biographie de toute la parentèle. Les témoignages sont entrecoupés de courts essais qui situent l'action dans le temps, nous renseignent, par exemple, sur l'éducation et sur la langue parlée dans les années 1950, sur la société très catholique d'après-guerre suivie de la désaffection religieuse, sur la scène politique des années Duplessis au mouvement souverainiste, l'économie, l'alimentation, la vie culturelle.

Ces récits à plusieurs voix forment une fresque qui embrasse beaucoup plus que l'univers familial immédiat pour s'ouvrir sur la vie montréalaise pour nous amener dans les voies distinctes de neuf frères et sœurs.

CITATION

Petite mise en contexte oblige. Il faut savoir qu’à cette époque, la Culture avec un grand C - qui comprend tous les arts, le design, l'architecture et j'en passe-, n'appartient qu'à une élite composée des grandes familles fortunées, d'une poignée d'universitaires et d'intellectuels, des professionnels et des artistes qui écloront bientôt avec la Révolution tranquille... À la maison, nous possédions déjà une « culture » livresque initiée par papa qui aimait les livres et ses auteurs, mais nos parents n'allaient que très rarement au théâtre, encore moins à l'opéra, nous ne possédions non plus aucun meuble design, ni aucune œuvre d'art, encore moins des cristalleries Val-Saint-Lambert ou Lalique. Vous comprendrez qu'avec toute la marmaille, l'argent était employé uniquement à se nourrir, se vêtir, s'instruire, et se divertir s'il en restait au bout du mois.  

Jocelyne, vol. 2, p. 202. 

Le plaisir se délectait à travers l’attente, la présence, le rapprochement, le toucher, le baiser, l’enlacement, mais nous restions au bord de l’exultation des corps. Il y avait une certaine sublimation de ce jeu amoureux fait de regards tendres, de paroles attentionnées, de billets doux échangés en cachette, de baisers pudiques, et de ces merveilleux sentiments de percevoir que l’on plaisait et que l’on était choisi et aimé. Le plaisir d’aimer et de se savoir aimé était déjà un plus énorme à nos vies. Et la télévision et internet n’étaient pas encore là pour nous montrer qu’il était possible d’avoir encore plus !

Bernard, « ses premiers émois amoureux », Vol. 1, p. 153. 

 

Revue Charbon, Chapelet, École... Et Tarte Aux Pommes

 

Intersection, une revue publiée par la Société historique du Canada, consacre son numéro de printemps 2024 à « L'épistolaire ». On peut lire l'article de l'historien Matt Bellamy, ainsi que 12 courts articles sur les lettres de personnages plus ou moins célèbres, surtout du Canada anglophone, et de leur importance pour les spécialistes en histoire.

https://cha-shc.ca/wp-content/uploads/2024/08/Intersections-7.1-online.pdf 

Vous vous intéressez aux journaux personnels? Bibliothèque nationale et Archives du Québec en possède plusieurs collections, dont le Journal personnel de Louise-Amélie Juchereau-Duchesnay Lindsay (1838-1917), née à Sainte-Marie. Celle-ci était la fille de Marie-Louise Perrault et d’Elzéar Henri Jucherau-Duchesnay, seigneur de Beauport. Elle épousa Charles Alexandre Lindsay notaire de Québec. BAnQ, P2130.

France culture a donné la parole à des autrices et auteurs de journaux intimes: https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-le-journal-de-ma-vie

Pendant vos vacances au Québec cet été, n'oubliez pas de visiter les petits musées régionaux qui possèdent des trésors autobiographiques. À Saint-Jean-Port-Joli, dans la maison de Philippe-Aubert de Gaspé, le Musée de la Mémoire vivante vous permet d'écouter ou de lire plus de 4000 témoignages de gens « ordinaires. https://www.memoirevivante.org/collections/11

Et si, en chemin, vous vous arrêtez chez des brocanteurs, cherchez-y des lettres ou des carnets que vous pourrez déposer aux APM.

seperateur

CONSEIL D'ADMINISTRATION des APM :

Maud Bouchard-Dupont, historienne
Barbara Creary, avocate
Sophie Doucet, historienne
Marthe Léger, archiviste
Andrée Lévesque, historienne

Archivistes : Rachel Marion, France Villeneuve.

On remercie notre bénévole Catherine Guenette. Et Stéphane Lévesque pour le site internet.

Les Archives Passe-Mémoire sont enregistrées comme organisme sans but lucratif. Il est soutenu par des dons et reconnu comme un organisme de bienfaisance qui remet des reçus de charité pour l'impôt.